Le monde assiste fasciné à la mise en place des conditions de son suicide (Jacques Attali)
Il est des moments où on aimerait ne voir que les bons cotés des choses, s’enthousiasmer pour des livres, des films, des concerts, des soirées passées avec des amis. Il est des jours où on voudrait avoir eu tort d’avoir prédit, avec beaucoup d’autres que les désordres écologiques, financiers, politiques et culturels finiraient par ne plus être des hypothèses.
Et puis voilà, on ne peut plus ne pas voir les lourds nuages s’amoncelant sur nos têtes.
Pour ne prendre que trois nouvelles de cette semaine :
- d’abord le plongeon tant attendu (et annoncé ici il y plus de six mois) des marchés financiers, en raison des méthodes scandaleuses d’établissements financiers américains poussant les ménages les plus pauvres à emprunter pour acheter une maison qu’ils ne peuvent financer qu’en en vendant une autre, à un prix qui doit donc sans cesse croitre.
- Ensuite, les effrayantes inondations noyant le golfe du Bengale, sous les eaux venues du ciel, de la mer et de l’Himalaya, rendues particulièrement furieuses par les changements climatiques, et chassant de chez eux plus de 20 millions de personnes en une semaine : 20 millions de tragédies.
- Enfin, l’aggravation brutale des inégalités en Asie, comme vient de le mesurer un rapport de la Banque Asiatique de développement, et qui pourrait (conclut l’économiste en chef de cette institution d’habitude fort prudente), « conduire à des guerres civiles ».
Tout cela aurait pu et du être empêché. Si les organismes de contrôle bancaire américain avaient fait correctement leur travail. Si on avait pris appliqué les mesures, si modestes, décidées à Kyoto il y a prés de dix ans. Si on avait mis en œuvre les engagements solennels de chefs d’Etat promettant d’augmenter l’aide au développement. Mais non. Rien. Le monde assiste fasciné à la mise en place des conditions de son suicide.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : la crise financière peut conduire à un appauvrissement massif et brutal de l’Occident. Le désordre écologique peut provoquer bientôt plus de morts qu’il n’y a aujourd'hui de sans abris. Et l’exacerbation obscène des écarts de niveau de vie conduira certainement à des violences aujourd’hui impensables.
Aout est gris. Septembre s’annonce noir. Même si je voudrais espérer que cette couleur ne sera que celle du maillot de la merveilleuse équipe de rugby de Nouvelle Zélande, qui viendra, grande favori de la Coupe du Monde, nous éblouir.
j@attali.com http://blogs.lexpress.fr/attali