La honte...

Publié le par désirs d'avenir Somme 80

Jean-Paul Bolufer bénéficiait d'un appartement de 190 m2 de la ville de Paris pour un loyer quatre fois inférieur au prix du marché. Il avait fustigé les abus des locataires de HLM

 

Jean-Paul Bolufer, directeur de cabinet de la ministre du logement, a remis sa démission, jeudi matin 20 décembre, quelques minutes après que François Fillon et Christine Boutin l'eurent " jugée nécessaire ". Elle intervient après la révélation selon laquelle le bras droit de la ministre occupe un appartement de 190 m2, dans un immeuble de standing du boulevard de Port-Royal, à Paris, pour un loyer équivalent à celui des HLM les plus sociaux, soit 6,30 euros le m2.

Il s'acquitte d'un loyer d'environ 1 200 euros auprès de la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP), contre 4 700 euros environ s'il payait un prix de marché. Cet appartement lui fut attribué en 1981 lorsqu'il était directeur adjoint du cabinet du maire de Paris, Jacques Chirac. Mercredi, l'ancien préfet de Paris jurait qu'il ne bénéficiait d'" aucun privilège personnel ".

Pour Pierre Castagnou, président de la RIVP depuis décembre 2006 et maire PS du 14e, sa situation est " inacceptable et indigne " à double titre : son loyer n'est pas conforme à ses revenus et il a sous-loué son bien à des amis à deux reprises, au total pendant dix-sept ans. Entre septembre 1989 et juillet 1996, lorsqu'il fut en poste à Toulouse, comme directeur général des services et directeur de cabinet du conseil régional de Midi-Pyrénées. Puis, entre septembre 1997 et juillet 2007, car il bénéficiait d'un appartement de fonction au titre de directeur des Journaux officiels, à Paris. Or, rappelle M. Castagnou, son bail prévoyait " une occupation exclusive à titre de résidence principale ".

M. Bolufer a contribué à la révélation de cette affaire, au début de l'automne, par un imprudent appel téléphonique à Serge Contat, qui venait d'être nommé directeur de la RIVP. Le locataire a demandé que son bailleur paie des travaux de peinture dans l'appartement qu'il venait de réinvestir, après dix années passées dans son logement de fonction. L'intéressé s'est présenté en tant que directeur de cabinet de la ministre du logement.

M. Bolufer n'en était pas à sa première tentative pour obtenir un passe-droit : Libération du 20 décembre publie un courrier de 1989 adressé par M. Bolufer à son bailleur de l'époque (la SAGI) pour lui demander l'autorisation de loger dans l'appartement une famille amie durant la période où lui-même serait en poste à Toulouse.

Une fois alerté, le président de la RIVP a envoyé une lettre recommandée avec accusé de réception, le 14 décembre, pour enjoindre M. Bolufer de mettre fin à cette situation faute de quoi une procédure de résiliation de son bail sera engagée. Dans Le Parisien, l'intéressé dément avoir reçu ce courrier.

A l'origine, l'immeuble appartenait à la SAGI, une société d'économie mixte dont la ville détenait 40 % du capital. En 2001, Bertrand Delanoë a souhaité que la ville reprenne la main sur la SEM, soupçonnée de loger des personnalités proches de la Chiraquie. Elle s'est heurtée à l'opposition des actionnaires privés. En décembre 2006, après une âpre bataille, une partie des logements de la SAGI, dont celui de M. Bolufer, ont été transférés à la RIVP, désormais contrôlée à 80 % par la ville.

Père de cinq enfants, ancien militant contre l'avortement, Jean-Paul Bolufer, 61 ans, est un catholique conservateur. Cet énarque a également été formé au sein de la Cité catholique. Christine Boutin l'avait nommé à la tête de son cabinet le 10 juillet. Il n'était pas spécialiste des questions de logement. 

M. Bolufer avait déclaré le 16 novembre sur France-Culture : " Qu'aujourd'hui se trouvent dans le parc HLM des gens qui ne devraient pas y être, et que se trouvent dans la rue des gens qui devraient être dans les HLM, je considère que c'est un véritable scandale. "

Emmanuelle Chevallereau

© Le Monde
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article