ANALYSE : Ségolène Royal persiste et signe...

Publié le par désirs d'avenir Somme 80

Si l'histoire s'était répétée, Ségolène Royal serait aujourd'hui - comme l'avaient été après leurs échecs à l'élection présidentielle François Mitterrand en 1974 et Lionel Jospin en 1995 - à la tête du Parti socialiste. Or l'ex-candidate du PS, qui n'appartient à aucune instance exécutive de son parti, cultive sa position singulière, qu'elle a encore décrite ainsi, le 9 décembre sur Canal+, " à la fois dans le Parti socialiste et aussi en dehors du Parti socialiste ". Ce n'est qu'en janvier, à un moment où son rival potentiel, Bertrand Delanoë, se trouvera empêché d'abattre clairement ses cartes par sa campagne pour sa réélection à la Mairie de Paris, qu'elle confirmera ou non sa volonté, exprimée au soir du second tour des élections législatives, après sa défaite à la présidentielle, de briguer la succession de François Hollande à la tête du PS.

Alors que chemine l'idée d'un congrès extraordinaire du PS, en juin 2008, avant le congrès ordinaire de novembre, sur une réforme des statuts - avec l'hypothèse de la création d'un poste de président assisté d'un secrétaire général gérant l'appareil -, les proches de la présidente de la région Poitou-Charentes sont divisés sur sa stratégie. Vincent Peillon la pousse à briguer, dès 2008, la direction du PS, sachant que sa candidature provoquerait celle de M. Delanoë et que se jouerait alors la première manche du match, prévu en 2010, entre les présidentiables de 2012. A contrario, Julien Dray pense qu'elle doit se tenir à l'écart, en raison du " risque d'une paralysie qui naîtrait de cette confrontation entre deux ou trois personnalités ".

Si Mme Royal hésite pour l'échéance de 2008 (la conquête du PS), elle songe déjà à se mettre sur les rangs pour celle de 2012 (la conquête de l'Elysée). C'est le message à peine subliminal de son livre Ma plus belle histoire, c'est vous (Grasset, 336 p., 19,50 ¤), quand, s'adressant aux Français, elle écrit : " Je veux un jour fêter nos retrouvailles. Je ne connais encore ni le lieu ni la date, mais je sais qu'un jour nous nous retrouverons. " " Je voulais gagner pour eux. Je gagnerai un jour pour eux ", confie-t-elle encore. Mme Royal analyse sa défaite comme " prometteuse " et revisite sa campagne pour en tirer des leçons pour l'avenir et affûter ses armes. " J'ai repris l'entraînement ", lâche-t-elle.

Son livre est moins une autocritique qu'une autoexplication. La " Bécassine serial gaffeuse ", selon le surnom qu'elle se donne par dérision et avec humour, accepte d'assumer sa " part de responsabilité ". Elle confesse que, face à la redoutable machine de l'UMP et à l'" indéniable capacité " de Nicolas Sarkozy, elle était " préparée beaucoup plus qu'on ne l'a dit mais sans doute moins qu'il l'aurait fallu ". Elle reconnaît que sa campagne était " baroque, à l'image de sa candidate ", que l'organisation " de bric et de broc a créé des dizaines de malentendus ". Elle évoque des " fautes ", des " faiblesses " et des " erreurs ", mais elle nie les " improvisations " qu'on lui a prêtées et les " bourdes, qui n'en étaient pas ". Elle met en avant son " extrême solitude morale, personnelle " face à un procès permanent, et " proprement terrifiant ", " en incompétence et en illégitimité ".

Mais c'est d'abord au PS, et à un " troupeau d'éléphants " qui avait juré sa perte, que Mme Royal impute la responsabilité principale de sa défaite. Elle décrit les effets " ravageurs " de la primaire qui l'opposa, avant sa désignation comme candidate, à Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius. " La droite, écrit-elle, a laissé faire le travail à la gauche. La gauche est partie tellement vite et tellement fort que la droite n'a eu qu'à compter les points en se moquant. " A partir de ce sévère constat, qui vise aussi M. Hollande, l'ancienne ministre persiste et signe, jugeant qu'elle aurait pu gagner " avec une doctrine et des pratiques cohérentes ; avec une cohésion et une unité plus fortes ; avec un soutien sans faille de la candidate ". " Il aurait fallu, ajoute-t-elle, que nous fussions unis comme dans un vrai parti. Il aurait fallu que ne soit pas entretenu le doute sur la capacité de la candidate, la cohérence des équipes futures et le volontarisme collectif. Il aurait fallu une vision claire de l'état de la France et un travail préalable de longue haleine. "

 

PRUDENT ATTENTISME

 

Ce réquisitoire contre la direction du PS, qu'elle distingue des militants, l'amène à faire amende honorable sur sa méthode, le tempo de sa campagne, son déficit de pédagogie sur la démocratie participative et, pour finir, son " manque de poigne ". " J'aurais dû ruer dans les brancards, m'organiser, les commander ", écrit-elle en reconnaissant qu'elle n'a " pas fait grand-chose " pour convaincre les " éléphants ", " sourire aux lèvres et fleur au fusil ", de s'aligner au lendemain de sa désignation. Mais, loin de se recentrer sur l'orthodoxie socialiste, Mme Royal persiste et signe sur ses " combats de toujours " : l'ordre juste, les jurys citoyens, la valeur travail, l'identité nationale et la " France métissée ", les quartiers, la " nouvelle efficacité économique ", les 35 heures et la réforme de l'Etat.

Cette volonté de bousculer le PS, d'en finir avec le cycle d'Epinay, d'accélérer sa rénovation et la mise à l'heure de son " horloge historique " se retrouve sur la question cruciale des alliances. Mme Royal ne renie rien de son ouverture vers François Bayrou. Le 3 décembre, lors du débat organisé par Le Monde au Théâtre du Rond-Point, elle a souligné qu'elle voulait " capter le meilleur dans tous les courants de pensée ", saluant la " radicalité " de l'extrême gauche sur les services publics et la protection sociale tout en louant la recherche de " compromis sociaux "

Comme l'avait fait naguère M. Hollande, elle a assigné au PS l'objectif de devenir " une force centrale qui s'assume en tant que force centrale à gauche, capable d'associer ces différents courants ".
Une coalition arc-en-ciel à l'italienne, des altermondialistes au centre - qui bute sur le désir de M. Bayrou d'incarner cette alternative en pariant sur l'échec de la rénovation du PS -, qui ressemble au rêve qu'avait déjà esquissé, le 14 mai sur France 3, M. Hollande d'un " grand Parti socialiste qui couvre tout l'espace qui va de la gauche, sans aller jusqu'à l'extrême gauche, jusqu'au centre gauche ou au centre ".

Ségolène Royal persiste et signe dans sa stratégie de reconquête. Pour la mener à bien, elle tentera moins de dompter les " éléphants " que de les apprivoiser. Rude tâche. Si elle se refuse encore à se doter d'un courant - fidèle en cela, comme François Hollande, à une démarche " trans-courants " qu'ils avaient initiée ensemble en 1984 -, elle cherche à se réconcilier avec ses anciens adversaires. Mais, à ce stade, la plupart des partisans de M. Strauss-Kahn et de M. Fabius persistent et signent dans une attitude d'opposition ou, au mieux, dans un prudent attentisme. Et il y a fort peu de chances pour que M. Hollande facilite, cette fois, l'entreprise de son ancienne compagne.

Michel Noblecourt

© Le Monde
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article